Il y a encore deux ans, Marc chutait plusieurs fois par jour. Il sortait à peine de chez lui. Ce sexagénaire bordelais avait été diagnostiqué de la maladie de Parkinson voici près de 30 ans. En 2021, il est opéré au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. Il est le premier parkinsonien à recevoir une nouvelle neuroprothèse, constituée d’un champ d’électrodes placé contre la région de la moelle épinière qui contrôle la marche et d’un générateur d’impulsions électriques implanté sous la peau de l’abdomen. Après plusieurs semaines de physiothérapie pour se familiariser avec le dispositif et personnaliser l’algorithme de la neuroprothèse selon son mouvement, Marc note des progrès considérables, ses troubles neuromoteurs s’estompent. Il retrouve l’usage quasi normal de ses jambes, sans perte d’équilibre ou « freezing », ce phénomène courant dans les stades avancés de la maladie où les pieds restent collés au sol. Aujourd’hui, Marc peut parcourir cinq kilomètres sans s’arrêter.
Cet exploit marque l’aboutissement de près de 14 ans de travail, fourni par une cinquantaine de neuroscientifiques, tous coauteurs d’un article paru dans Nature Medicine, le 6 Novembre 2023. Ils redonnent de l’espoir aux plus de 8,5 millions de personnes qui seraient atteintes de la maladie de Parkinson, selon des chiffres de 2019 de l’Organisation mondiale de la Santé. On estime que 90% d’entre elles présentent des troubles de la marche (Inserm).
Un projet européen
Le dispositif a été pensé et conçu par les équipes de Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), et Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois, avec la collaboration d’ Erwan Bézard, neuroscientifique, directeur de recherche Inserm à l’Institut des maladies neurodégénératives (université de Bordeaux/CNRS).
Tout est parti en 2009 d’une candidature à un projet européen visant à permettre aux patients paraplégiques de marcher à nouveau. La neuroprothèse est d’abord testée sur des rats, (2014), primates (2016) et sujets humains paraplégiques (2018). L’opération est à chaque fois couronnée de succès et fait l’objet de publications dans Nature. Les neuroscientifiques décident alors d’étendre leur solution aux patients parkinsoniens, qui certes marchent, mais avec difficulté.
Une languette équipée de 16 électrodes est placée sur la région lombo-sacrée, soit entre l’enveloppe de la moelle épinière (la dure-mère) et l’os. Un câble va jusqu’au stimulateur d’environ 5 cm de diamètre, dans l’abdomen. Il contient l’algorithme de stimulation qui lui donne des directives sur la manière de stimuler de façon contrôlée le sujet, spatialement et temporellement, en fonction de la démarche naturelle de celui-ci.
« On ne stimule pas en bloc la moelle épinière mais les motoneurones de chaque muscle impliqué dans la marche, de façon séquentielle. Les deux cotés sont stimulés de manière ordonnée, adaptée, pour coller au plus près du fonctionnement propre au patient. (…) L’intentionnalité de marche se déclenche avec des accéléromètres placés sur le tibia ou dans des chaussures connectées, qui déclenchent à leur tour l’algorithme, par bluetooth, qui lui va déclencher le stimulateur, qui donne l’électricité pour stimuler les électrodes selon un plan spatio-temporel déterminé », Erwan Bézard, directeur de recherche Inserm à l’Institut des maladies neurodégénératives (université de Bordeaux/CNRS).
Un essai clinique portant sur six malades de Parkinson va débuter en 2024, sur 18 mois, financé par la Fondation Michael J. Fox. Il s’agira de démontrer encore une fois que cet équipement global leur redonne une marche fluide. S’il est concluant, il sera suivi par une étude multicentrique, sur trois ans, avec vingt
patients. Le produit fini pourrait être disponible pour le grand public dans un délai de quatre à cinq ans.