Le cancer du poumon est encore aujourd’hui le cancer qui cause le plus de décès. Plus de 33000 en France par an (chiffres 2017). Plus de la moitié des cancers du poumon sont diagnostiqués à un stade tardif, métastatique, lorsqu’on attend la survenue de symptômes pour réaliser un scanner L’Union européenne est déterminée à changer la donne. Le 9 décembre 2022, le Conseil européen a actualisé ses recommandations en matière de dépistage, pour désormais inclure ce cancer parmi les cancers devant être dépistés.
Le projet SOLACE (Strengthening the screening of Lung Cancer in Europe) a donc officiellement démarré à Vienne, le 18 avril 2023. Il vise à résoudre les obstacles au dépistage afin que toutes les catégories sociales puissent y avoir accès. En tout, 17 pays européens vont joindre leurs forces et partager leur expertise pendant trois ans.
”Il s’agit d’un projet d’implémentation, pas de recherche, précise Marie-Pierre Revel, cheffe du service de radiologie de l’Hôpital Cochin Port-Royal AP-HP. Nous allons mettre en commun nos expériences de lancements de projets pilote, travailler ensemble sur différentes stratégies possibles, notamment pour recruter des participants plus difficiles à toucher comme les femmes, les populations défavorisées, les minorités ethniques et les populations ayant un risque accru de cancer du poumon, comme ceux qui ont une bronchopathie chronique liée au tabac.”
La Pr Revel va ainsi mettre en commun avec ses collègues européens les leçons et les résultats tirés de l’étude CASCADE, qu’elle coordonne avec la Pr Marie Wislez, responsable scientifique. Cette étude pilote, qui cible des femmes fumeuses ou anciennes fumeuses, a commencé à Paris le 8 avril 2022, et dans trois autres centres entre juin et septembre 2022 (Rennes, Béthune et Grenoble). D’autres centres (Nancy, Toulouse, Besançon…) vont ouvrir à l’automne 2023 pour couvrir plus largement le territoire. L’ambition est de rassembler 2400 participantes ; la moitié a pour l’instant été réunie. Au cours d’une période de recrutement de deux ans, les participantes passeront un scanner de dépistage initial, un autre un an plus tard et un dernier 2 ans après le premier.
”L’idée du Projet SOLACE est de partager entre état membres une sorte de boîte à outils de stratégies efficaces pour favoriser l’implémentation du dépistage du cancer du poumon et la collecte de données qui nous manquent, notamment auprès des femmes, mais aussi des populations isolées et vulnérables. Notre luttons ainsi contre la politique de l’autruche, la peur et la stigmatisation encore attachées au cancer du poumon”, Marie-Pierre Revel, cheffe du service de radiologie de l’Hôpital Cochin Port-Royal AP-HP.
CASCADE ambitionne de répondre au manque criant de données sur les femmes, en général sous-représentées voire totalement exclues des études européennes. ”L’épidémiologie et les statistiques actuelles montrent pourtant une forte augmentation de la mortalité par cancer du poumon chez les femmes, avec des projections inquiétantes. Or, on sait aujourd’hui qu’à exposition au tabac égale, elles ont plus de risques de développer un cancer des poumons ”, rappelle le Dr Revel. La cible éligible est âgée de 50 à 74 ans et compte parmi les 23% de Françaises qui fument quotidiennement.
Les résultats de la stratégie suivie par CASCADE vont être partagés, pour comparer l’impact sur le nombre de femmes dépistées, avant et après la campagne. Depuis l’année dernière, 300 000 flyers ont été envoyés, en même temps que l’invitation à se soumettre à un dépistage du cancer du sein. Plusieurs articles ont été publiés dans les journaux régionaux et des ambassadrices ayant bénéficier d’un dépistage vont livrer leur témoignage, dans la presse aussi.
La Hongrie suit la même stratégie, avec les minorités ethniques ayant peu d’accès aux soins, en faisant témoigner des représentants de ces communautés.
« SOLACE fournira des lignes directrices complètes pour lancer des programmes de dépistage du cancer du poumon de qualité optimale avec des taux de participation élevés. Les erreurs typiques pourront ainsi être évitées et l’espérance de vie augmentée », Hans-Ulrich Kauczor, coordinateur scientifique du projet SOLACE.
Le scanner de dépistage nécessite aussi de former les professionnels (en collaboration avec la Société Française de Radiologie), notamment à la technique de la tomodensitométrie à faible dose (LDCT). Des essais menés aux États-Unis et en Europe ont démontré que la LDCT peut réduire de 20 % le nombre de décès dus au cancer du poumon. L’idée est également de leur fournir une solution d’IA qui permettra une double lecture, et un mode d’organisation plus efficace à large échelle. “Le scanner ne prend que quelques secondes, détaille la Pr Revel. D’autant que tout cancer dépisté n’est pas grave, au contraire. Les formes débutantes peuvent être traitées de manière curatives, avec des chirurgies mini-invasives.”
SOLACE poursuit l’objectif de rassembler les données de 10 000 femmes, idem pour les populations isolées. Des camions mobiles équipés d’un scanner devraient ainsi sillonner les zones éloignées des hôpitaux. C’est ce que le Pr Sébastien Couraud évaluera dans la région Lyonnaise, dans le cadre du projet SOLACE.
La meilleure des préventions reste l’arrêt du tabac, rappelle la Pr Revel. Une aide au sevrage tabagique est ainsi systématiquement proposée aux populations accompagnées.