Les thérapies géniques développées par Sensorion pourraient restaurer l’audition naturelle de jeunes patients de moins de 3 ans. Au lieu d’entendre au mieux 22 fréquences, comme c’est le cas aujourd’hui avec un implant cochléaire, ils pourraient accéder à un spectre beaucoup plus large, et donc identifier la voix de leurs proches, mieux s’orienter dans l’espace, écouter de la musique et apprendre plus vite à parler.
Actuellement, 1,7 enfant sur 1 000 naît sourd, aux Etats-Unis (Source : Center for Disease Control CDC). Dans la moitié des cas, cette surdité est causée par une mutation génétique, une centaine de gènes affectant l’audition.
Avec ce premier essai, Sensorion a décidé de cibler l’OTOF, le gène de l’otoferline, protéine essentielle au bon fonctionnement de l’audition. La déficience en otoferline ne concerne environ que 1 100 naissances chaque année, en Europe et aux Etats-Unis. « Il s’agit de convaincre la communauté médicale, les parents, les autorités réglementaires,… confie Nawal Ouzren, directrice générale de Sensorion. L’expérience que nous allons acquérir avec ce premier traitement va bénéficier au second, qui cible une population beaucoup plus importante.»
Une autre thérapie sur le gène GJB2 est effectivement en cours de développement. Ce gène est à l’origine de la moitié des surdités de naissance de cause génétique, soit au moins 20 000 bébés par an, en Europe et aux Etats-Unis. La biotech devrait demander une autorisation d’essai clinique courant 2025.
En attendant, priorité est donnée à la thérapie génique visant l’OTOF, SENS-501, qui s’injecte en une seule fois. Des améliorations sont censées apparaître dès un mois après l’injection et se poursuivre pendant trois à quatre mois. Un premier dosage sera testé sur trois nourrissons âgés de 6 à 31 mois nés sourds, déficients en otoferline, puis un second dosage, plus fort, sur trois autres, et enfin selon les résultats, un troisième sera déterminé et administré au reste de la cohorte, soit six très jeunes patients, en France, en Italie, en Allemagne et en Grande-Bretagne. En France, ils seront suivis à l’Hôpital Necker Enfants Malades AP-HP.
« Cette innovation est un break through massif au niveau de la pratique médicale. Nos thérapies géniques pourraient restaurer l’audition naturelle des jeunes enfants nés sourds », Nawal Ouzren, directrice générale de Sensorion.
Une étroite collaboration avec l’Institut Pasteur
Créé en 2009 à Montpellier, dans le sud de la France, Sensorion collabore à partir de 2019 avec l’Institut de l’Audition, un pôle d’excellence au niveau mondial qui dépend de l’Institut Pasteur. Dans le laboratoire du Pr Christine Petit, ils mettent au point des vecteurs viraux capables, a priori, de rétablir le fonctionnement normal des cellules cibles où la protéine devrait s’exprimer.
Récemment, l’Hôpital pour enfants de Philadelphie (CHOP) a permis à un adolescent de 11 ans, souffrant de cette déficience en otoferline, de retrouver l’audition, également grâce à une thérapie génique. A cet âge, il ne pourra probablement jamais parler correctement, puisque cet apprentissage intervient avant l’âge de 5 ans. Sensorion est donc une des premières biotechs au monde à débuter un essai ciblant les bébés.
« Pour cette première mondiale, nous nous appuyons sur des spécialistes de l’implantation cochléaire dans dix centres en Europe », précise Nawal Ouzren. Lorsqu’ils détectent une surdité de naissance d’origine génétique, ces spécialistes la génotypent de manière systématique et proposent aux parents de faire entrer l’enfant dans l’ étude clinique de Sensorion, avec à la clef, un suivi très minutieux.
Les premiers résultats de l’étude clinique évaluant l’efficacité de SENS-501 sont attendus au second semestre de cette année.