Selon l’OMS, le cancer du sein est le plus fréquent au monde. En France, il représente 33 % des cancers féminins et reste la première cause de décès par cancer (Institut national du cancer, Panorama des cancers en France 2023).
Le cancer du sein est dû dans 17% des cas à la consommation d’alcool et dans 5 à 10% des cas à des facteurs héréditaires (Institut national du cancer). Le vieillissement (80 % des cancers du sein se développent après 50 ans), certains traitements hormonaux, le surpoids et le manque d’activité physique comptent aussi parmi les explications souvent avancées. Mais la science est encore loin d’avoir totalement percé les mécanismes biologiques, génétiques et épigénétiques qui transforment une cellule saine en cellule cancéreuse.
Des champions du cancer nationaux et internationaux
Les origines du cancer du sein sont au centre des recherches menées au sein de l’Institut Curie, leader national et européen pour tous les cancers gynécologiques. Le Dr Céline Vallot mène par exemple des travaux sur le rôle de l’épigénétique dans l’apparition du cancer du sein triple négatif et l’adaptation des cellules tumorales aux traitements anticancéreux. Ce type de cancer du sein est particulièrement agressif et insensible à certains traitements comme l’hormonothérapie et la thérapie ciblée anti-HER2. “Nous scrutons les cellules tumorales de la glande mammaire sous le prisme du « single cell » – ou analyse en cellule unique. (…) Certaines modifications épigénétiques pourraient nous permettre de développer de nouveaux outils diagnostiques ou d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pertinentes pour le traitement du cancer du sein triple négatif.”
Une autre étude, pilotée par le Dr Raphaël Ceccaldi, porte sur la défaillance des systèmes biologiques qui réparent les cassures de l’ADN, présents dans près de la moitié des cancers du sein et de l’ovaire. Ses équipes ont mis en évidence un mécanisme de réparation de l’ADN jusque-là inconnu impliquant une protéine, PolꝊ, capable d’agir pendant la division cellulaire. Grâce à cette découverte, de nouvelles cibles thérapeutiques pourraient émerger.
Un accompagnement complet des patientes
Curie prend en charge chaque année plus de 7 000 femmes atteintes d’un cancer du sein dont plus de 3 000 nouvelles patientes. 1 400 professionnels les accompagnent, sur les deux sites hospitaliers.
Pionnier en oncogénétique, l’établissement réalise 4 200 tests par an sur les gènes de prédisposition (notamment BRCA1 et BRCA2).
Dès 2005, un dispositif d’accompagnement a par ailleurs été mis en place pour renforcer le soutien psychologique apporté aux femmes, dès le diagnostic. Une équipe d’infirmières et de psychologues spécialement formés les écoute et répond à leurs inquiétudes.
En mai 2023, l’Institut Curie a également annoncé l’ouverture d’ici 2025 de l’Institut des Cancers des Femmes, labellisé dans le cadre de la troisième vague d’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) du plan France 2030. Cette structure inédite d’envergure internationale, en plein cœur de Paris, va se dédier à tous les cancers gynécologiques. L’idée est d’associer toutes les expertises médicales, paramédicales et scientifiques aux côtés des entreprises et des associations de patientes, en collaboration avec l’Université PSL (Université Paris Sciences & Lettres) et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), pour mieux comprendre, prévenir et guérir.
« Les équipes de l’Institut Curie accompagnent les femmes à toutes les étapes : diagnostic, traitements (chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux, essais cliniques…), reconstruction, accompagnement psychologique, prise en charge des effets secondaires, de la douleur, prévention, activité physique adaptée, nutrition, après cancer, retour au travail… », Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie.
Le cancer du sein peut être guéri dans plus de neuf cas sur dix, s’il est détecté tôt (taux de survie de 88% à 5 ans selon l’Institut national du cancer). Les traitements ont en effet bénéficié de progrès significatifs ces dernières années. Pour les cancers métastatiques, quelque soit les sous-types, les anticorps conjugués allongent la durée de vie des patientes. Quant aux inhibiteurs des CDK 4 et 6, ils redonnent de l’espoir aux femmes présentant un risque plus élevé de rechute (HER2).
L’après-cancer, une étape essentielle
Survivre à un cancer est une victoire inestimable, mais survivre aux conséquences à long terme de la maladie et de ses traitements l’est tout autant. De cette prise de conscience est né Interval, un programme médico-scientifique dédié à l’après-cancer, au sein de Gustave Roussy, 4e meilleur hôpital en cancérologie au monde. Ce programme poursuit l’objectif de prévenir les séquelles liées aux traitements (modification de l’image du corps, douleurs, fatigue, troubles chroniques des fonctions motrices, troubles urinaires et gastriques, conséquences psychologiques et professionnelles,…) et améliorer la qualité de vie des patients en rémission.
Gustave Roussy s’apprête également à inaugurer une nouvelle structure entièrement dédiée à l’après-cancer, My Care, en région parisienne. Elle proposera des programmes d’accompagnement spécifiques (conseils en nutrition, rééducation fonctionnelle, soutien psychologique, acupuncture, activité physique adaptée…) et intégrera un hôpital de jour afin de prendre en charge environ 2000 personnes par an.
Le comité de pathologie mammaire de Gustave Roussy prend en charge plus de 10000 patientes chaque année, dont 2000 nouveaux cas.
Une expertise sur tout le territoire français
L’innovation dans le suivi et la recherche sur le cancer du sein est loin de se limiter à la capitale française. Pour ne citer qu’eux, l’Institut Régional du Cancer de Montpellier, l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille ou encore l’Oncopole de Toulouse sont aussi des acteurs de référence.
“Les chercheurs français sont perçus à l’étranger comme des professionnels très rigoureux, innovants et très actifs, en matière de recherche clinique notamment. Nous participons à de nombreux essais cliniques internationaux. Nous sommes bons recruteurs et fournissons un travail de qualité, ce qui explique que la France compte parmi les pays leaders dans le monde sur le cancer du sein”, Professeur Florence Dalenc, oncologue, codirectrice du comité de sénologie de l’IUCT-Oncopole de Toulouse.
“A peine 10 ans après sa création, l’Oncopole de Toulouse joue dans la cour des grands”, se félicite le Professeur Florence Dalenc. 2 800 patientes y sont accompagnées chaque année. Plus d’une dizaine d’études cliniques ouvertes s’y déroulent.
L’une porte notamment sur les mécanismes de résistance aux traitements du cancer du sein, en particulier aux inhibiteurs de PARP, médicaments courants pour traiter les femmes atteintes d’un cancer du sein alors qu’elles ont une prédisposition génétique.
Une autre étude cherchant à confirmer l’origine tumorale et à préciser le rôle des cellules tumorales circulantes, exprimant à la fois des marqueurs des cellules épithéliales et des macrophages (cellules impliquées dans le système immunitaire), va prochainement ouvrir pour aider à mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le processus métastatique.
“L’intelligence artificielle devrait à terme être une aide au diagnostic pathologique des cancers du sein pour mieux affiner le pronostic de chacune et nous permettre de personnaliser les traitements”, précise le Pr Dalenc.
Les 11 et 13 octobre dernier, l’Oncopole a organisé deux journées consacrées à la vie d’après et aux cancers métastatiques, dans le cadre d’Octobre rose. La saison 3 du Chemin d’Emilie a été annoncée, cette websérie qui relate le parcours d’une jeune femme qui réapprend à vivre après son cancer. Car alerter sur le cancer du sein, c’est aussi dédramatiser cette maladie, pour lever les tabous. Et sur ce plan aussi, la France démontre son expertise, avec une touche de créativité.