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ASCO 2022 : la France mise à l'honneur au Congrès mondial contre le cancer

Du 3 au 7 juin 2022, 42000 spécialistes mondiaux du cancer se sont réunis à Chicago pour faire le point sur les dernières avancées de l'année écoulée les plus prometteuses. Plusieurs chercheuses et chercheurs français ont été distingués à cette occasion.

21 Jul 2022

L’ASCO (American society of clinical oncology) est la grand-messe mondiale de l’oncologie. Début juin, elle réunit les plus grands laboratoires pharmaceutiques, biotechs et chercheurs venus présenter leurs innovations et découvrir celles des autres. Après deux éditions virtuelles, la communauté mondiale scientifique a enfin pu se réunir en présentiel. 

Avec 3000 études cliniques et 5200 présentations en cinq jours, le visiteur n’a pas eu le temps de s’ennuyer. La France a confirmé une fois de plus qu’elle était aux avant-postes de la recherche en cancérologie. Les spécialistes de l’Institut Curie, Gustave Roussy et l’AP-HP ont présenté leurs travaux. Plusieurs d’entre eux ont été distingués. 

“Thérapies ciblées, immunothérapies, associations de traitements, soins de supports… les médecins de l’Institut Curie ont présenté des travaux inédits et originaux pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Nos communications acceptées en nombre à l’ASCO cette année encore prouvent l’excellence de nos équipes, notre rayonnement à l’international et l’importance des collaborations fructueuses que nous menons pour aller toujours plus loin, contre le cancer, au bénéfice des patients”, Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie.

Le docteur Étienne Brain reçoit un Prix d’excellence pour ses travaux sur les populations âgées

Le docteur Étienne Brain, oncologue à l’Institut Curie, a présenté le 7 juin les résultats de la plus grande étude jamais réalisée sur les femmes âgées atteintes d’un cancer du sein. Cette population, négligée par la recherche et les essais cliniques, représente paradoxalement plus de la moitié des cancers aujourd’hui diagnostiqués (60 % d’ici dix ans). Cette étude visait à évaluer la pertinence d’une chimiothérapie après chirurgie sur 2000 patientes, françaises et belges, âgées de 70 à 93 ans, et opérées d’un cancer du sein dit hormono-sensible (chimiothérapie et hormonothérapie versus hormonothérapie seule). Les résultats ont prouvé que le bénéfice de la chimiothérapie n’était pas significatif sur la survie globale des femmes âgées, même sélectionnées pour une tumeur présentant une signature génomique (grade génomique), analysée sur un fragment du cancer opéré, en faveur d’une agressivité.

“Cette étude peut favoriser une prise de conscience sur la nécessité d’ajuster constamment les traitements en fonction de l’état de santé du patient, même en présence d’une signature génomique tumorale défavorable, espère le Dr Brain. Pour la population âgée, le dialogue avec d’autres spécialistes, comme les gériatres, est essentiel, pour prendre en compte dans la stratégie l’état cognitif, la qualité de vie, l’autonomie, l’état de fragilité inapparent et pourtant bien présent et lié à l’âge du sujet,… La chimiothérapie ne devrait pas être la règle, et certainement pas identique à celle employée chez l’adulte plus jeune.”

Le Byrl James Kennedy Geriatric Oncology Award, un prix d’excellence récompensant une contribution exceptionnelle à la recherche en cancérologie du sujet âgé, lui a été remis. Ce n’est que la quatrième fois qu’un chercheur français est ainsi distingué. “Recevoir un tel prix est indiscutablement une image très forte de reconnaissance d’un effort collectif”, se réjouit le Dr Brain. 

Le prix Career Development Award pour la Dr Maria-Alice Franzoi 

Oncologue médicale et chercheuse à l’Institut Gustave Roussy, la Dr Maria-Alice Franzoi a reçu le prix Career Development Award for Diversity, Inclusion and Breast Cancer Disparities de Conquer Cancer pour ses travaux sur la qualité de vie et le cancer du sein. Ils poursuivent l’objectif d’identifier dès le diagnostic, à l’aide d’un algorithme, les patientes qui ont un risque plus élevé de détérioration de leur qualité de vie et leur capacité à s’autogérer afin de mettre en place des actions dédiées. Ce prix est décerné à de brillants jeunes médecins-chercheurs particulièrement prometteurs.

Quatre autres médecins oncologues et chercheurs de Gustave Roussy ont reçu un Merit Award pour leurs travaux présentés à l’ASCO :  

  • Le Dr Felix Blanc-Durand, médecin oncologue, membre du comité Gynécologie et chercheur, s’intéresse dans ses travaux à la description extensive du micro-environnement immunitaire des cancers de l’ovaire et à l’influence de la chimiothérapie sur sa composition. Il travaille également sur les nouvelles stratégies d’immunothérapie, au-delà des inhibiteurs de PD-1/PD-L1.
  • La Dr Lucia Carril-Ajuria, médecin oncologue et chercheuse, a participé à évaluer l’efficacité du nivolumab chez des patients atteints d’un cancer du rein métastatique et pré-traités dans le cadre de l’essai de phase II NIVOREN GETUG-AFU 26. L’étude a montré des facteurs solubles (IL8 et VEGF) associés à la survie globale, la survie sans progression de la maladie et à la réponse. Les résultats de la cohorte de validation, présentés à l’ASCO, confirment une association significative entre la concentration sanguine de base d’IL-6 / IL-8 et une mauvaise survie globale/survie sans progression.
  • Les travaux du Dr Filippo Gustavo Dall’Olio, médecin oncologue et chercheur, portent sur l’analyse de certains biomarqueurs dérivés de la tomographie par émission de positons (TEP) (Metabolic Tumor Volume et Total Lesion Glycolysis). Ils ont permis l’identification d’une catégorie de patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules à haut risque. Chez ces patients, l’immunothérapie seule a peu de chances de succès et doit donc être complétée par une chimiothérapie.
  • Le Dr Vincent Marmouset, médecin oncologue et chercheur, a dirigé des recherches sur les inhibiteurs de PARP. Les résultats sont prometteurs dans plusieurs cancers, mais mettent également en évidence que ces inhibiteurs peuvent être associés à un risque accru d’hémopathies myéloïdes secondaires (t-MN). Il a confirmé que ce risque doit être pris en compte lors du suivi oncologique et a montré, au sein d’une cohorte nationale, que ces hémopathies secondaires étaient associées à un mauvais pronostic, principalement en raison d’un taux élevé de mutations du gène TP53. Le diagnostic précoce semble influencer la survie sous-tendant l’importance d’identifier les personnes à risque. Sur la base de ces données, une surveillance accrue doit être effectuée chez les patients présentant des mutations BRCA1/2, une durée d’exposition aux inhibiteurs de PARP longue et la survenue de cytopénies retardées, en particulier de thrombopénie.

Les communications de l’Institut Curie à l’ASCO :

  • “Associer radiothérapie et thérapie ciblée pour combattre les cancers du sein triple négatifs”: étude coordonnée par le Dr Youlia Kirova, oncologue radiothérapeute à l’Institut Curie. 
  •  “Analyse en vie réelle des données d’hormonothérapie dans les cancers du sein” : étude menée par les Drs Luc Cabel et Marcela Carausu, oncologues à Curie. 
  • “Cancer du col de l’utérus avancé : la place de l’immunothérapie ?”: étude coordonnée par les Drs Manuel Rodrigues et Emmanuela Romano, oncologues médicaux à l’Institut Curie
  • “Dépistage des mutations BRCA1 et BRCA2 dans les cancers de l’ovaire” : une étude coordonnée par le Dr Manuel Rodrigues, oncologue médical à l’Institut Curie. 
  • “Cancer du pancréas : une étude originale pour évaluer l’efficacité de l’Activité Physique Adaptée (APA)” : étude menée par le Dr Cindy Neuzillet, gastroentérologue, spécialiste des cancers digestifs à l’Institut Curie, co-coordonnée avec le Pr Pascal Hammel (AP-HP) depuis 8 ans. Cette étude de phase 3 a permis d’évaluer l’activité physique adaptée auprès de plus de 300 patients atteints de cancer du pancréas avancé. Le Dr Cindy Neuzillet a également mené et présenté deux autres études : “Vaccinothérapie dans le cancer du pancréas métastatique” et “Cancers des voies biliaires : nouvelles données sur l’immunothérapie”.
  • “Premiers résultats d’une nouvelle association thérapie ciblée + immunothérapie dans le lymphome à cellules du manteau (lymphome non hodgkinien à lymphocytes B)” : étude menée par le Pr Steven Le Gouill, hématologue, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie. 
  • Cancers ORL : un essai de phase 3 en cours est mené par le Pr Christophe Le Tourneau, oncologue, chef du département essais précoces à l’Institut Curie. 
  • “« Early together », un tout nouvel essai dans le mélanome uvéal métastatique” : essai clinique multicentrique de phase 3 coordonné par le Dr Sophie Piperno-Neumann, oncologue à l’Institut Curie. 

L’institut Curie a également présenté deux conférences :

  • sur les lymphomes : le Dr Carole Soussain, hématologue, a partagé son expertise lors d’une conférence sur la prise en charge des lymphomes cérébraux.
  • sur les cancers pédiatriques : le Dr Franck Bourdeaut, pédiatre oncologue, a animé une session dédiée à l’immunothérapie dans les cancers pédiatriques, revenant sur ses travaux sur les tumeurs rhabdoïdes et la découverte de réaction immunitaire qui laisse entrevoir la possibilité de mener des essais cliniques en immunothérapie pour traiter les enfants atteints de ces tumeurs rares.

48 présentations de Gustave Roussy ont été sélectionnées lors du congrès.

Parmi les plus significatives : 

– Etude SACHA menée par le Pr Gilles Vassal. Cette étude vise à collecter de manière prospective avec un recueil systématique les données d’efficacité et de tolérance des thérapeutiques innovantes prescrites dans le cadre d’un accès compassionnel ou hors autorisation de mise sur le marché (AMM) chez des enfants ou adolescents atteints de cancers en rechute ou réfractaires aux traitements.

– Etude RAGNAR du Dr Yohann Loriot. Présentation des résultats intermédiaires d’une étude internationale évaluant l’efficacité et la tolérance d’une nouvelle thérapie ciblée, l’erdafitinib, ciblant les mutations génétiques FGFR (1,2,3 et 4) d’une quinzaine de tumeurs rares et de cancers agressifs.

– Etude FTIH de la Dr Laurence Albigès. Présentation des résultats préliminaires. Cette étude internationale de phase I évaluant l’activité et la sécurité de MEDI5752, un anticorps monovalent bispécifique anti PD1 et CTL4, montre des résultats bénéfiques dans les tumeurs solides avancées et en particulier dans les carcinomes des cellules rénales avancés.

– Essai de phase III IDHENTIFY du Dr Stéphane de Botton. Présentation des résultats de cette étude centrée sur un nouveau médicament, l’enasidenib, ciblant les mutations du gène IDH2-R140 et IDH2-R172 dans les leucémies myéloïdes aiguës réfractaires ou en rechute, et qui améliore la survie globale par rapport à un régime de soins conventionnels. 

L’AP-HP présente à l’ASCO

L’AP-HP prend en charge un tiers des patients d’Île-de-France suivis pour un cancer, soit 55000 patients chaque année. Elle a également présenté plusieurs communications lors du Congrès mondial sur le cancer : 

– “Chirurgie cytoréductive optimale du foie pour les métastases hépatiques colorectales non résécables : une étude observationnelle prospective.”, Pr René Adam, service de chirurgie 

générale de l’hôpital Paul-Brousse AP-HP.

  • “Données démographiques et résultats du traitement chez les patients atteints de PTLD EBV+ traités avec des CTL spécifiques à EBV prêts à l’emploi dans le cadre d’un programme d’accès élargi en cours en Europe : premières analyses”, par le Dr Sylvain Choquet, service d’hématologie clinique de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP.
  • “Efficacité et sécurité du dostarlimab chez les patients (pts) atteints de tumeurs solides déficientes en réparation des mésappariements (dMMR) : analyse de 2 cohortes dans l’étude GARNET”, par le Pr Thierry André, service d’oncologie de l’hôpital Saint-Antoine AP-HP.

– “Auto-anticorps préexistants en tant que prédicteurs d’événements indésirables liés au système immunitaire pour les tumeurs solides avancées traitées avec des inhibiteurs de point de contrôle immunitaire”, par le Dr Arthur Daban, service d’oncologie de l’Hôpital européen – Georges Pompidou AP-HP. 

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