Le médicament représente aujourd’hui 1,1 milliard d’euros sur les 2,7 milliards de chiffre d’affaires réalisés par Pierre Fabre en 2022. En trois ans, ce CA est passé de 2,4 à 2,7 milliards d’euros. « Le développement va se poursuivre, prévoit le CEO, Eric Ducournau. Nous visons 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2025 avec une marge d’exploitation (Ebit) d’au moins 12 %, contre 5,2 % en 2019 et 9,5 % en 2022. »
Alors que les prévisionnistes tablent pour les années à venir sur une croissance annuelle de 13% du marché mondial de l’oncologie, ce secteur représente 17% du CA actuel du groupe, mais devrait passer au quart dans les 3 ou 4 prochaines années. Et pour atteindre cet objectif, Pierre Fabre multiplie les partenariats avec d’importantes biotechs américaines « et nous espérons bientôt avec des biotechs françaises et européennes, confie Marc Alias, Chief Communication Officer. (…) Le marché de l’oncologie est beaucoup plus éclaté qu’avant. Il y a de la place pour des mid-pharmas, comme nous, sur des niches thérapeutiques qui n’intéressent pas forcément les plus gros laboratoires. » Le groupe se focalise ainsi sur les thérapies ciblées.
« Dans le Medical Care, le groupe Pierre Fabre oriente sa stratégie d’innovation vers les thérapies ciblées qui permettant la prise en charge de cancers ayant peu ou pas de solution thérapeutique. Pour cela, nous sommes à la recherche de partenariats, en phase pré-clinique et clinique ou en vue de la commercialisation d’un traitement dans les régions Europe et Asie », Marc Alias, Chief Communication Officer des Laboratoires Pierre Fabre.
L’oncologie n’est pas un domaine nouveau pour Pierre Fabre. Dès les années 80, son fondateur éponyme s’y intéresse et lance en collaboration avec le CNRS une chimiothérapie qui sera le premier anticancéreux français enregistré aux Etats-Unis : la vinorelbine dont l’actif provient de la pervenche tropicale qui pousse à Madagascar. Ce traitement génère toujours un revenu significatif et se développe notamment en Chine.
L’entreprise s’engage aussi dans la recherche de pointe. Elle est présente à Toulouse sur le campus de l’Oncopole (pôle de recherche et de soin contre le cancer à dimension européenne) où elle collabore avec plusieurs laboratoires de l’Inserm. « Nous nous appuyons sur une expérience de 4 décennies dans l’oncologie. C’est cette expérience doublée de moyens humains et financiers que les biotechs viennent chercher auprès de nous, précise Marc Alias. Nous permettons à des acteurs américains ou asiatiques d’accéder au marché européen grâce à nos expertises qui vont de l’enregistrement du médicament à sa commercialisation et à la production des actifs. ».
En 2015, Pierre Fabre, a su convaincre la biotech américaine Array BioPharma de conclure un accord de codéveloppement et de commercialisation de deux molécules utilisées en combinaison pour le traitement ciblé de certains cancers : encorafenib et binimetinib. En 2018, Pierre Fabre débute leur commercialisation en Europe pour la prise en charge d’un type particulier de mélanome. En 2020, l’encorafenib est enregistré et commercialisé en association avec le cetuximab dans une nouvelle indication.
Trois essais cliniques sont encore en cours avec ces deux molécules, en onco-pneumologie en Europe et en Chine, ains qu’en onco-dermatologie en Europe.
Pour rappel, Array a été rachetée pour 11 milliards de dollars en 2019 par Pfizer.
En 2021, un autre partenariat est signé avec Puma Biotechnology, pour une thérapie ciblée contre la récidive du cancer du sein HER-2 positif (12 à 15% des femmes atteintes de cancers du sein).
Cette année 2023, deux nouvelles collaborations dans le domaine de l’oncologie ont été dévoilées. La première, avec Scorpion Therapeutics, concerne deux molécules en phase de développement pré-clinique dans le cancer du poumon non à petites cellules avec mutation de l’EGFR, avec un premier versement de 65 millions d’euros. Leurs études cliniques devraient débuter en 2024.
La seconde a été annoncée mi-avril, avec l’acquisition de la marque de dermo-cosmétique Même. Cette marque née en 2017 a développé la première gamme de soins de la peau, du cuir chevelu et des ongles, élaborée en collaboration avec des oncologues et dermatologues, pour répondre aux effets indésirables des traitements anticancéreux. « Le groupe confirme et renforce sa présence sur l’ensemble du parcours de santé autour de l’oncologie », se réjouit Marc Alias.
La société développe également des projets dans le segment très porteur des maladies rares. Elle a obtenu d’Atara Biotherapeutics la commercialisation d’une thérapie cellulaire en Europe, lancée en février 2023, pour le traitement de patients atteints d’une maladie lymphoproliférative post-transplantation et positive au virus d’Epstein-Barr, qui touche environ 500 patients en Europe. Cette thérapie consiste à injecter des lymphocytes T provenant de donneurs et dirigés contre le virus d’Epstein-Barr pour renforcer la capacité immunitaire de la cellule. Toujours dans les maladies rares, un autre projet, en collaboration avec la Fondation suisse EspeRare, est en phase III de développement contre la dysplasie ectodermique hypohidrotique liée au chromosome X (XLHED), une maladie génétique dont souffrent chaque année plusieurs centaines de nouveau-nés garçons et qui les empêchent de développer des glandes sudoripares. Cette thérapie est injectée in utero.
La dermatologie et la dermato-cosmétique représentent les 2 autres piliers du groupe
La dermato-cosmétique représente 55% du CA du groupe et est portée par sa marque phare Avène, auquel s’ajoutent Ducray, Klorane, A- Derma, René Furterer et le portefeuille des produits d’hygiène bucco-dentaire. Sur un marché mondial évalué à 28 milliards d’euros, Pierre Fabre se place en deuxième position, juste derrière L’Oréal.
90% de la production du groupe Pierre Fabre est faite en France, majoritairement en Occitanie, où se situent également ses principaux centres de décision et de recherche. Cette implantation historique a toujours fait partie des priorités de l’entreprise. Un projet est d’ailleurs en cours sur la relocalisation à Gaillac de la production d’encorafenib et binimetinib qui sont actuellement fabriqués en Allemagne. Enfin, le groupe est détenu par une Fondation reconnue d’utilité publique qui est financée par les dividendes que lui versent l’entreprise. Dotée d’un budget annuel d’environ 15 millions d’euros, la fondation œuvre essentiellement en Afrique subsaharienne pour permettre un meilleur accès aux soins des populations locales les plus démunies.