Personnaliser le traitement de chaque patient, en recréant l’organe malade ou la tumeur dont il souffre, c’est l’objectif du PEPR, le programme et équipements prioritaires de recherche exploratoire MED-OOC.
Doté d’un budget de 48 millions d’euros, il vise à développer des organes sur puce, organoïdes et explants “réalisés à partir de cellules de patients pour prendre en compte toute leur particularité et voir comment chacun d’entre eux réagit à un traitement, explique Anne-Marie Gué, codirectrice du PEPR pour le CNRS, aux côtés de Xavier Gidrol (pour le CEA) et Jean Rosenbaum (pour l’Inserm). (…) À terme, l’enjeu sera de tester au préalable les différents traitements non plus sur le patient, mais sur des modèles dérivés de sa tumeur, par exemple, afin que le traitement soit le plus efficace possible.”
Ces dispositifs miniaturisés contiennent des cultures cellulaires tridimensionnelles mimant les fonctions d’organes ou de tissus vivants dans un microenvironnement contrôlé.
Cette solution pourrait combler une lacune importante. Aujourd’hui, les biologistes travaillent soit à partir de modèles animaux soit à partir de modèles biologiques synthétiques simplifiés (des cellules organisées en 2D), deux alternatives “qui ne permettent pas de rendre compte du fonctionnement physiologique des tissus et des organes humains”, estime la scientifique, sachant que seuls 10% des médicaments testés sur animaux fonctionnent sur l’humain.
“Le PEPR vise à améliorer les soins apportés aux patients, avec des thérapies bien plus efficaces. C’est la médecine de demain, personnalisée ! Ce programme d’études unique, centré sur les organes et organoïdes sur puce, va aussi permettre aux chercheurs de comprendre le fonctionnement des organes sur des points encore non élucidés, le développement des pathologies, les facteurs qui en sont à l’origine et identifier des cibles thérapeutiques et les leviers à activer pour traiter la maladie”, Anne-Marie Gué, directrice du PEPR pour le CNRS et directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (CNRS).
Le PEPR va donc lancer des appels à projets et ainsi structurer et financer des recherches, infrastructures, plateformes, rencontres et discussions. “Nous voulons fédérer une communauté autour de ces enjeux, très interdisciplinaires. Nous avons besoin de compétences très complémentaires”, ajoute Anne-Marie Gué. Vont donc participer des cliniciens mais aussi des spécialistes de la fabrication de puces ou en bioingénierie, microphysique, matériaux adaptés, instruments de mesure, … Tout un écosystème riche et divers.
Trois axes de recherches primordiaux ont été arrêtés. Le premier ciblera le développement de « jumeaux cliniques » de patients. L’objectif du deuxième axe sera de complexifier les dispositifs (pour mimer la circulation sanguine ou reconstituer les interactions entre plusieurs organes par exemple). Le dernier axe consistera à instrumenter ces modèles sur puce avec des capteurs afin de mesurer et de suivre en temps réel les fonctions mimées.
Trois indications vont être priorisées : le cancer du sein, le diabète et le syndrome métabolique (des dérèglements liés, par exemple, à une alimentation trop riche en sucres et graisse, l’insuffisance hépatique, l’obésité, etc.). Des organes et organoïdes sur puce vont héberger des tumeurs dans le cas du cancer, des cellules pancréatiques pour le diabète et un couplage foie/tissu adipeux pour cibler le syndrome métabolique.
Ce programme va s’appuyer sur un réseau national d’établissements hospitaliers. Pour l’instant, quatre hôpitaux français vont y collaborer : l’Institut Curie à Paris, les Centres hospitaliers universitaires de Grenoble et Toulouse et l’hôpital Paul Brousse de l’AP-HP à Villejuif, près de Paris. “A terme, des industriels devront s’emparer de nos technologies afin de fabriquer et de commercialiser les puces”, espère Anne-Marie Gué. Un groupe de travail du Comité stratégique de la filière Industries et Technologies de Santé (CSF-ITS) a déjà engagé cette réflexion.