Plus de 179 millions de personnes en Europe sont touchées par au moins une forme de trouble neurologique, souvent causés par l’accumulation dans les neurones de protéines toxiques qui se répandent d’une cellule à l’autre via des procédés encore mal compris.
La microglie est le premier niveau de défense du cerveau contre les pathogènes. Elle s’active en cas d’inflammation. Il s’agit désormais de déterminer l’impact positif ou négatif de cette inflammation dans la propagation des maladies neurodégénératives. Aide-t-elle le patient à survivre ou participe-t-elle à la mort des neurones, empirant ainsi la maladie ? Depuis déjà 20 ans, Chiara Zurzolo et son équipe de chercheurs étudient les mécanismes conduisant à la mort neuronale.
Ils ont commencé par cibler le fonctionnement des prions de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), aussi connue comme la maladie de la vache folle, sachant que la protéine se réplique alors de façon toxique.
“La protéine du prion est capable de se répliquer de manière désordonnée, devenant alors toxique, explique la Directrice de l’axe de recherche sur les maladies neurodégénératives et la connectivité cérébrale, à l’Institut Pasteur. Elle peut passer d’une cellule à l’autre, de l’intestin au cerveau, et est donc considérée comme infectieuse. Il a également été démontré que les maladies de Huntington, Parkinson et Alzheimer contiennent des agrégats toxiques, les amyloïdes, similaires aux protéines toxiques du prion.”
De découverte en découverte, les scientifiques montrent que la maladie s’étend progressivement dans différentes zones du cerveau, à cause de différents agrégats de protéines. “La question est de savoir comment ces agrégats se déplacent d’une partie du cerveau à l’autre pour provoquer la mort des neurones, entraînant ou non des symptômes périphériques du type démence”, ajoute la chercheuse.
Le premier papier est publié en 2009, dans Nature Cell Biology. L’équipe de chercheurs y présente sa découverte sur le rôle des TNT dans la propagation de la protéine prion et, par la suite, d’autres amyloïdes comme l’asyn (dans la maladie de Parkinson) et la protéine tau (dans la maladie d’Alzheimer).
L’Unité Trafic membranaire et pathogenèse démontre ensuite en août 2016 que des structures nommées TNT (tunneling nanotubes) facilitent le transfert des protéines toxiques entre les neurones, avant d’émettre l’hypothèse que les TNT jouent un rôle majeur dans la propagation des agrégats à travers le cerveau.
Après une demi-douzaine d’articles parus ces dernières années, dont l’un en 2017 sur le rôle des astrocytes, la dernière publication de mai 2023 éclaire le rôle de la microglie. D’après ces travaux, elle s’avère être une voie de propagation pour l’alpha-synucléine, une protéine toxique responsable de la maladie de Parkinson.
« Les neurones chargés d’agrégats d’alpha-synucléine utilisent efficacement les TNT pour les transférer à la microglie, sans doute dans l’objectif de diminuer leur quantité au sein des neurones. C’est d’ailleurs la première fois que l’existence de connexions fonctionnelles entre les neurones et les cellules gliales est démontrée », précise Ranabir Chakraborty, doctorant au sein de l’unité et co-auteur de l’étude.
“Cette découverte pourrait ouvrir de nouvelles voies de traitement pour voir si la microglie saine peut être utilisé pour aider les neurones malades, mais nous devons continuer nos recherches pour comprendre dans quel état inflammatoire la microglie se trouve dans le cerveau”, Chiara Zurzolo, Directrice de l’axe de recherche sur les maladies neurodégénératives et la connectivité cérébrale, à l’Institut Pasteur.
Les chercheurs ont également montré que les cellules gliales sont capables de transférer des mitochondries vers les neurones en mauvaise santé, toujours grâce aux TNT.
Le chemin reste long et les hypothèses, nombreuses. “On pourrait par exemple supposer qu’au début de la maladie, la microglie tente de sauver les neurones. Puis, lorsque l’état inflammatoire change, elle devient agressive, suggère Chiara Zurzolo. Au lieu de sauver le neurone, elle le mange, donc il faudrait intervenir très tôt.”
Ces résultats ouvrent ainsi de nouveaux champs de recherche sur la communication entre les neurones et la microglie, et potentiellement, de nouvelles cibles thérapeutiques par rapport au rôle de l’inflammation, non seulement pour la maladie de Parkinson mais aussi pour toutes les autres maladies dégénératives. “Si nous comprenons comment les TNT se propagent, nous pourrons essayer de les bloquer et utiliser les cellules du système immunitaire pour arrêter la maladie, comme dans le cas des cancers avec les immunothérapies, à condition de trouver les bonnes cibles pour les maladies neurodégénératives”, conclue Chiara Zurzolo.