Le chiffre d’affaires du marché de la réalité virtuelle dans le domaine de la santé pourrait atteindre 40 milliards de dollars d’ici à 2026 dans le monde (Etude du cabinet Early Metrics). La Réalité étendue (XR Extended Reality) regroupe 3 technologies : la réalité virtuelle, la réalité mixte et la réalité augmentée. Revinax, Safeteam Academy, Avatar Medical et Virtualisurg ont vite compris qu’elle allait révolutionner le monde de la santé. Avant de se lancer, ces quatre sociétés ont constaté les limites des solutions classiques : la formation continue traditionnelle pour les deux premières, et le manque d’outils immersifs pour préparer et accompagner le geste chirurgical pour les deux dernières.
Revinax est née en 2015 grâce à l’expérience de son fondateur, le Dr Maxime Ros, neurochirurgien pédiatrique. Il constate pendant son clinicat que la formation traditionnelle de la chirurgie ne permet pas aux internes de reproduire correctement les gestes techniques qui leur sont enseignés. Ils ne peuvent voir exactement ce que le chirurgien enseignant voit lorsqu’il opère.
Il met donc au point un nouveau mode de captation en 3D des chirurgies, filmées à la première personne, et les intègre en réalité virtuelle. “Ce format permet d’activer les neurones miroirs présents dans le cerveau et donne ainsi l’illusion à l’apprenant qu’il réalise lui-même la procédure chirurgicale”, explique-t-il. Selon les études qu’il a menées en France et aux Etats-Unis, le taux d’erreurs des praticiens diminue de 65% ; deux semaines plus tard, ils se souviennent toujours de 90% de l’information reçue (vs. 10% avec un support écrit) ; 88% des utilisateurs confirment une baisse significative de leur appréhension lors de leur première mise en pratique.
La VR simplifie par ailleurs les procédures de formation et offre une meilleure maîtrise du budget, avec en l’occurrence un contenu “disponible 24h/24 et 7 jours/7 sur tous les supports (casques VR, smartphones, tablettes et ordinateurs)”. Les tutoriels immersifs sont évolutifs : selon l’audience, le contenu et les voix sont adaptés pour correspondre à la région géographique. Au-delà de Paris et Toulouse, Revinax possède également des bureaux à New-York, pour être proche de ses clients et du marché américain. Deux médecins sont également à l’origine de la création de SafeTeam Academy. Anesthésistes-réanimateurs, formateurs en simulation en santé et passionnés par la sécurité des soins, Frédéric Martin et François Jaulin ont décidé de lancer en 2019 une plateforme de formation innovante en e-learning par vidéo-simulation pour les professionnels de santé. Un équivalent de Netflix de la formation avec des films d’action ou de management mettant en scène des situations quotidiennes tournées à la première personne.“Ces formations en vidéo-simulation permettent de former des soignants de façon ludique, efficace et adaptée à leurs contraintes organisationnelles”, précisent-ils. Déployables massivement, ces formations permettent d’améliorer les pratiques grâce à une implémentation d’outils de fiabilisation des soins (check-list, aides cognitives, développement de compétences non techniques comme la prise de décision, la communication sécurisée, etc.). 98% des personnels inscrits terminent les formations. La plupart des contenus sont disponibles dans des pays francophones et anglophones.
“Jamais la première fois sur le patient”
Comme ses confrères, Virtualisurg a fait du célèbre adage son crédo. Lancée en 2017, la startup a développé des technologies immersives de réalité virtuelle et mixte (images digitales qui apparaissent dans le monde réel), pour la formation médicale, et bientôt la chirurgie. Les praticiens peuvent ainsi s’entraîner aux interventions et aux éventuelles complications, en perfectionnant le geste technique. Cela représente une économie financière et une alternative à la formation sur animaux ou cadavres. “Notre outil accélère la diffusion du savoir et du savoir-faire médicaux, se réjouit Nicolas Mignan, cofondateur et Président de la société. Un grand professeur de chirurgie à Tokyo peut ainsi donner cours à 100 personnes dans le monde. (…) Nous combinons la réalité virtuelle avec l’utilisation en temps réel de vrais instruments de chirurgie, c’est unique au monde.” Pour être au plus près de ses partenaires, la société a d’ailleurs ouvert trois filiales dans le monde (São Paulo, Montréal et Singapour). En 2025, un module de formation ciblera aussi les patients, pour les accompagner par exemple dans leur rééducation avec un kinésithérapeute virtuel ou dans la gestion des phobies, des accoutumances ou de maladies mentales comme la schizophrénie.
La réalité virtuelle permet de penser l’opération chirurgicale en amont, premier pas vers une médecine personnalisée. Née en 2016 de la recherche interdisciplinaire entre laboratoires académiques et hôpitaux, AVATAR MEDICAL est une spin-off de l’Institut Pasteur et de l’Institut Curie. Elle a conçu un logiciel qui vise à améliorer la façon dont les chirurgiens accèdent, interprètent et agissent sur l’information clinique avec un visualiseur innovant pour les images médicales 3D (IRM, CT-scan). “Notre rendu photoréaliste est en temps réel, sans perte de données et offre un niveau inégalé de visualisation des tissus mous pour des spécialités chirurgicales spécifiques”, détaille Marie Buhot-Launay, cofondatrice d’AVATAR.
Pour les hôpitaux, l’objectif est une économie de temps et d’argent mais aussi une meilleure efficacité et une montée en compétences de leurs chirurgiens. Les patients bénéficieront quant à eux d’interventions moins invasives, avec moins d’anesthésie, moins de complications et moins de pertes de sang. L’équipe d’AVATAR MEDICAL est répartie entre la France et les Etats-Unis. L’entreprise vient d’ailleurs d’obtenir l’autorisation de la FDA pour la commercialisation de sa solution de planification, qui sera lancée en Europe l’année prochaine.
La XR ne cesse d’évoluer, d’où l’intérêt pour la France d’être à la pointe de l’innovation. Prochaine étape : les métavers médicaux, “l’avenir”, selon Nicolas Mignan. Tous ces environnements virtuels permettront de se former, s’entraîner, discuter, échanger (…) mais la part de la VR en e-santé est encore trop peu répandue ”, se désole-t-il. L’Europe et la France rattrapent cependant leur retard sur les Etats-Unis. “Nous sommes toujours reconnus au niveau international pour notre expertise, dans ce domaine également, et pour notre fort degré de développement et d’innovation”, rappelle Maxime Ros, de Revenax. Les chantres français de la XR en santé ont donc des cartes à jouer à l’international puisque “ la question de l’erreur médicale – humaine et organisationnelle – concerne hélas tous les pays, avec probablement des difficultés supplémentaires pour les pays à faibles revenus”, estiment les dirigeants de Safeteam. 15 millions de casques de réalité virtuelle ont été vendus dans le monde en 2022 (Early Metrics). Le public est donc prêt. La VR n’est désormais plus réservée aux gamers. C’est un outil capable de sauver des vies.