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Santé numérique

Une recherche de pointe, un Etat régulateur et accélérateur, une exigence éthique et un écosystème porteur pour les innovations thérapeutiques et organisationnelles. C’est sur ces piliers qu’est fondée la politique de la e-santé en France. Alors que l’intelligence artificielle (IA) a envahi tous les champs de la santé, les défis et sujets se renouvellent en permanence. Dans une démarche de co-construction, les acteurs publics et privés jouent de plus en plus collectif, afin d’offrir un bénéfice concret aux patients, aux usagers et aux professionnels intervenant dans le système de santé.

« Mettre le numérique au service de la santé ». Tel est le fil rouge de la feuille de route du numérique en santé 2023-2027, présentée en mai 2023 par le gouvernement. Les ambitions sont fortes pour faire de la France un leader en matière d’innovation et attirer les talents de la e-santé, tout en constituant une véritable industrie du numérique en santé. « Nous nous y engageons avec une détermination collective, au service de nos valeurs et de notre éthique, constitutives d’une “troisième voie” Européenne entre les Etats-Unis et la Chine, à même de susciter la confiance, qui est essentielle au développement des usages numériques et à l’amélioration de notre santé », assure le Ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, convaincu que « les progrès de la e-santé, en particulier de la télémédecine et de la télésurveillance, sont un véritable levier d’égalité en santé, notamment dans les territoires plus isolés ». La structuration d’un écosystème de recherche, de soins et d’innovation doit permettre de faire face aux défis du vieillissement de la population, de l’augmentation des maladies chroniques et de l’accès à la santé. A l’horizon 2030, la santé sera en effet résolument numérique, avec une médecine davantage prédictive et préventive.  

La révolution des technologies numériques se déploie déjà dans de nombreux domaines  : celui de la e-santé avec les systèmes d’information, le carnet de santé numérique Mon espace santé (1) ou les solutions digitales pour le parcours de soins  ; celui de la télésanté avec les téléconsultations, la télésurveillance, la télémédecine, la téléexpertise,  les applications mobiles et les dispositifs connectés ; celui de l’analyse d’image par l’IA et de l’exploitation des données de santé ( big data et data mining) grâce à l’interopérabilité.

L’entrée de la télésurveillance dans le droit commun, début 2023, et la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques sont deux signaux essentiels. La France devient ainsi le premier pays européen à rembourser les solutions de télésurveillance médicale qui apportent un bénéfice clinique ou améliorent l’organisation des soins.

Autre indice du dynamisme du secteur : les impressionnantes levées de fonds, au premier trimestre 2023, de start-up françaises comme Iktos, société spécialisée dans l’intelligence artificielle dédiée à la découverte de nouvelles molécules chimiques efficaces dans le cadre de la recherche médicamenteuse (15,5 millions d’euros), Inato qui propose une plateforme à destination des groupes pharmaceutiques et des centres hospitaliers afin de faciliter le recrutement de patients pour les essais cliniques ( 12,6 millions d’euros) ou encore Kiro qui développe des solutions d’IA pour interpréter des comptes-rendus d’analyse biologique.

« Les moyens financiers consacrés au déploiement du numérique en santé et de la cybersécurité sont conséquents. Il y a une vraie dynamique assez exemplaire en Europe sur l’innovation et la stratégie d’accélération », souligne Annie Prévot, directrice générale de l’Agence du numérique en santé (ANS), groupement d’intérêt public qui établit le cadre, les fondations et les grands programmes de e-santé pour accélérer la transformation numérique du système de santé.

« Le gouvernement a mis plus de 2 milliards d’euros sur la table pour le numérique en santé. Il y a un véritable soutien des pouvoirs publics pour accélérer le déploiement de Mon espace santé. Aujourd’hui, l’ambition est que l’ensemble des innovations puissent toucher les patients et les professionnels, avec d’importants enjeux dans la diffusion et l’usage. La France dispose de puissants atouts avec son système de santé reconnu au niveau international, la richesse de son réseau hospitalier public et privé, de son réseau libéral et de sa formation » , confirme Jérôme Leleu, expert en E-santé, fondateur & directeur général d’Interaction Healthcare et Simforhealth, société spécialisée dans la simulation numérique en santé, en plein développement à l’international. 

La création fin 2022 de l’agence de l’innovation en santé (AIS) est l’une des mesures du plan Innovation santé 2030, volet santé de France 2030, dans l’idée de faciliter et accélérer l’accès des patients et des professionnels aux innovations en santé.«Cet objectif final guide nos missions et nos travaux : nous pilotons et coordonnons les investissements massifs qui y sont consacrés, 7,5 milliards d’euros, avec des priorités identifiées sur la bioproduction et les biomédicaments, les maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC, la santé numérique et les dispositifs médicaux innovants », explique Lise Alter, directrice générale de l’AIS. L’accompagnement des entreprises répond aux grands enjeux qu’elles rencontrent : l’accès au marché, le passage à l’échelle ou le hors cadre, lorsque le système de santé n’est pas adapté à l’intégration de la solution. L’AIS a notamment enclenché un plan pilote sur l’achat public destiné à faire connaître les innovations aux acheteurs et ainsi leur permettre de les diffuser. Elle devrait intégrer prochainement les locaux de PariSanté Campus.

Cet espace de formation, de recherche, d’innovation et d’entrepreneuriat de rang mondial rassemble sur 20 000 m2 au sud de Paris cinq opérateurs publics (InsermUniversité Paris Sciences & LettresInriaHealth Data HubAgence du Numérique en santé) et de très nombreux partenaires privés de la recherche, de l’innovation et du soin. Plus de 1 300 acteurs ( dont 80 startups, des grands acteurs privés des industries et services de santé)  travaillent déjà ensemble dans cette Silicon Valley du numérique en santé qui sera transférée en  2028-2029 sur un deuxième site, celui de l’ancien hôpital d’instruction des armées du Val de Grâce. « Pour faire grandir les synergies au sein de l’écosystème, nous avons créé des liens thématiques entre les startups, les chercheurs, les étudiants, les industriels et les institutions autour des thématiques centrales comme l’imagerie, l’intelligence artificielle ou l’interopérabilité. Nous lançons également des programmes d’accompagnement, à la fois sur le plan scientifique et sur le plan entrepreneurial », indique le Pr. Antoine Tesnière, directeur général de PariSanté Campus. Un premier programme a été lancé pour développer la prévention avec les outils numériques, porté également par BPI France et doté de 100 millions d’euros. Du côté de la recherche, l’heure est au croisement des expertises. Officiellement lancé en juin 2023, le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) Santé numérique est porté conjointement par l’Inserm et Inria. Doté d’une enveloppe septennale de 60 millions d’euros, il a pour ambition de positionner la France comme leader européen de l’innovation en santé numérique. Deux grands axes de recherche ont été choisis : l’acquisition pour chaque patient de données biologiques et médicales dites « multi-échelles » (c’est-à-dire dans l’espace, avec des échelles allant de l’ADN au suivi de population, par exemple, mais également dans le temps, avec des échelles allant de quelques millisecondes à plusieurs décennies) et la construction, à partir du traitement de ces données, d’une représentation numérique, personnalisée et évolutive du patient la plus complète possible (le jumeau numérique).

Opérations assistées avec un robot chirurgien, jumeau numérique d’un organe, prothèses intelligentes, télésurveillance de l’insuffisance cardiaque, suivi digitalisé des patients atteints de cancers, dispositifs médicaux implantés pour les diabétiques… L’intelligence artificielle (IA) et ses algorithmes s’inscrivent de plus en plus dans les habitudes des professionnels de santé et des acteurs du secteur médico-social. Mais il reste essentiel de créer la confiance.

 « L’un des grands enjeux de la santé numérique est l’appropriation par les professionnels intervenant dans le système de santé mais également par les patients et les usagers, estime le Dr Jacques Lucas, ancien président de l’Agence du numérique en santé (ANS).  Avec Mon espace santé, le patient est autonomisé. Il disposera de l’ensemble de ses comptes-rendus de santé, ce qui améliorera la qualité et la rapidité de la prise en charge. Mais il faut corriger certains bugs et il y a encore un gros effort à faire pour gagner la confiance de tous, avec des informations claires, loyales et appropriées, en impliquant vraiment tous les acteurs de l’écosystème. Une désidentification totale du patient dans les données de santé est indispensable » .

PariSanté Campus tient également à associer les citoyens aux réflexions éthiques sur la santé numérique, à l’échelle française mais surtout à l’échelle européenne. L’équilibre est encore à trouver pour poser des cadres sans ralentir les transferts d’innovation. « On ne doit pas être dans une logique d’opposer la régulation à l’innovation. Il faut donc un cadre suffisamment agile et fluide par rapport à la vitesse de l’innovation », précise le Pr. Tesnière.

Une attention particulière est portée à la supervision humaine et collégiale des solutions d’IA. « A terme, il est envisageable que les professionnels de santé devront utiliser l’IA comme une obligation de moyens,  pour affiner par exemple un diagnostic, mais la responsabilité de la décision revient aux médecins ou autres professionnels », souligne Jacques Lucas, qui met en avant le rôle important de la France sur ces thématiques éthiques. Initiative citoyenne et académique pour garantir un regard humain sur les algorithmes en santé, la société Ethik-IA a porté le principe de Garantie humaine de l’IA et du numérique en santé, désormais reconnu dans les projets de règlement européen sur l’IA. En mai 2023, elle lançait la première offre européenne intégrée de santé digitale de garantie humaine de l’IA, en partenariat avec l’un des leaders en télé radiologie, Medin +.    

Pierre angulaire du développement du numérique en santé, l’ANS publie la doctrine du numérique en santé ( 4ème édition en 2023). Ce cadre de référence des services numériques, d’échange et de partage des données de santé s’adresse à la fois aux établissements de santé, aux groupements régionaux d’appui au développement de la e-santé (GRADeS), aux éditeurs et aux professionnels de santé ou du médico-social. « Nous travaillons aussi sur les sujets de cybersécurité et d’interopérabilité des logiciels ville/hôpital afin d’améliorer la qualité des soins et le partage des données de santé », signale Annie Prévot, très attentive à l’harmonisation règlementaire au niveau européen.  A partir de 2025, l’ANS disposera d’un pouvoir de sanction financière envers les entreprises du numérique en santé qui ne respecteront pas les différents référentiels publiés par l’ANS. Un référentiel sur la téléconsultation, bientôt publié, posera par exemple des règles sur confidentialité de l’échange entre le patient et son professionnel de santé.  Les éditeurs de logiciels devront aussi donner la possibilité à tout professionnel de santé de bloquer l’envoi d’informations dans le carnet de santé électronique Mon espace santé. 

« Faire de la France le leader mondial de la médecine de précision basée sur la pathologie numérique ». C’est l’objectif de Owkin, biotech spécialisée dans l’IA appliquée à la recherche médicale, qui a lancé le consortium français PortrAIt, en collaboration avec Gustave Roussy et Unicancer.  Doté d’une enveloppe de 33 millions d’euros financée par France 2030  et opéré par Bpifrance et l’Union européenne, PortrAlt vise à positionner la France comme leader dans l’utilisation de l’IA appliquée à la pathologie numérique. Les outils créés dans le cadre de cette plateforme de recherche permettront d’accélérer le travail du pathologiste, de détecter la présence de certains biomarqueurs ou de prédire l’évolution des patients, afin d’améliorer à terme la prise en charge du cancer.

Parmi les 25 entreprises lauréats de la FrenchTech 2030 œuvrant dans le domaine de la santé, la plupart se déploient à l’international. Quelques exemples ?  Leader français en biotechnologie en forte croissance, Tree Frog veut rendre accessible la thérapie cellulaire à des millions de patients dans plusieurs domaines thérapeutiques, grâce à sa technologie de rupture, C-Stem. La société Implicity, qui assure le télésuivi de près de 80 000 patients atteints de maladies cardiovasculaires aux États-Unis et en Europe, ambitionne de devenir leader mondial de la cardiologie préventive à travers sa R&D en intelligence artificielle et data science.  Enfin, Tribun Health, qui conçoit un logiciel de gestion des lames numérisées et transforme le diagnostic des cancers, cible en priorité les Etats-Unis et les marchés scandinaves et britannique. La réalité virtuelle dans le monde de la santé est un autre marché porteur. HypnoVR, leader des thérapies digitales pour réduire la douleur et l’anxiété, accélère par exemple le déploiement commercial de sa solution d’hypnose médicale, en France et en Europe.

Le rayonnement de l’écosystème de la santé connectée à l’international est l’une des grandes ambitions de ParisSanté Campus. Afin de développer à la fois l’export et l’attractivité, il a d’abord fallu analyser les modèles étrangers, en Europe, en Chine ou aux Etats-Unis. Deuxième étape : la définition d’enjeux stratégiques internationaux et la création de stratégies opérationnelles et de collaborations transfrontalières, en Europe, en Amérique du Nord, en Israël, dans la zone Asie-Pacifique et dans la zone Afrique. « Notre objectif est d’accompagner les start-up qui souhaitent s’exporter sur des marchés à l’étranger et de pouvoir accueillir des programmes et des investissements étrangers ou des startups étrangères qui souhaiteraient venir en France avec un point d’atterrissage à PariSanté Campus », explique Antoine Tesnière. Présent à la Convention BIO 2023 à Boston, il a pu mettre en avant la démarche internationale de PariSanté Campus grâce aux équipes de Business France Santé et Business France North America. « Le fait d’avoir tout centraliser pour nos interlocuteurs étrangers donne une visibilité et une lisibilité qui sont très fortes. Il y a peu d’écosystèmes aussi complets et rassemblés sur un seul site ».  L’Europe est bien-sûr le premier terrain de rayonnement de l’excellence française. De nombreux événements ont été accueillis en France dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. PariSanté Campus a également mis en place des accords de collaboration avec des structures qui accompagnent la dynamique de l’ensemble des Etats membres européens, de façon à nouer des stratégies bilatérales. « Nous avons participé à un premier incubateur franco-suédois avec une première promotion de startups des deux pays, décrit Antoine Tesnière. Nous avons des discussions très avancées avec l’Allemagne sur des sujets de régulation et nous avons très régulièrement des visites de délégations des différents Etats-membres pour définir des premières approches de collaborations ». Tout cela dans une dynamique de souveraineté numérique où l’Europe se renforce sur le plan des règlementations, avec un règlement sur l’IA, un règlement sur les données de santé et la mise en place de pilotes autour des entrepôts de données de santé. Ces dernières années, la France remonte ainsi dans les classements de start-up innovantes et d’investissements étrangers en Europe.