Développer des médicaments efficaces et innovants, oui, mais à quel coût pour l’environnement ? C’est pour répondre à cette épineuse problématique que la Chaire industrielle Colibri (Collaboration industrielle au bénéfice d’une recherche innovante) est née. “Nos recherches visent à développer des méthodes plus vertes et écoefficientes”, explique Thomas Poisson, Coordinateur scientifique de la chaire et Professeur des universités en chimie organique à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Rouen.
La Société Oril Industrie (Groupe Servier) et les chercheurs et étudiants de l’INSA de Rouen Normandie, du CNRS et de l’université de Rouen vont explorer pendant minimum quatre ans des méthodes de production innovantes, liées à deux enjeux principaux : la chimie verte et la chimie moléculaire. Leurs travaux devraient déboucher sur des innovations à impact environnemental faible, mettant en avant la catalyse et les technologies basées sur la photo- et électrochimie ainsi que la chimie en flux continu. L’objectif est la mise au point de méthodes de fabrication de rupture et durable mais aussi d’outils modernes en chimie moléculaire, s’appuyant sur des techniques d’analyse de pointe.
La photochimie, donc la lumière, sera par exemple utilisée pour mener à bien des transformations efficaces et peu coûteuses en énergie. Quant à la chimie de flux continu, “c’est un changement de paradigme au sein de l’industrie, estime le Professeur des Universités. Aujourd’hui, la pharmaceutique utilise d’énormes réacteurs de plusieurs milliers de litres. Avec la chimie en flux, nous faisons converger les réactifs dans de petits tuyaux, en continu, en diminuant les quantités (100 à 200 millilitres), ce qui engendre un gain d’énergie, d’espace et de sécurité, avec la possibilité d’aligner plein de petits réacteurs côte à côte.” L’idée est de dénouer les problèmes auxquels est confronté Oril, qui produit 80 à 90% des principes actifs des médicaments commercialisés par Servier, à une trentaine de kilomètres de Rouen, en Normandie (Nord-ouest de la France). C’est d’ailleurs cette proximité géographique qui a naturellement favorisé ce partenariat, qui ne fait que se renforcer aujourd’hui. Il a débuté il y a plus de vingt ans, mais ne portait jusque-là que sur des projets ponctuels. “Il s’agit d’un partenariat gagnant /gagnant, poursuit Thomas Poisson. En tant que scientifiques, nous nous intéressons à de vraies questions, et pour eux, industriels, l’intérêt est évident à moyen voire à court-terme.”
“Ensemble, public et privé, nous allons identifier des problèmes scientifiques majeurs, qui intéressent aussi l’industrie. Nous allons marcher main dans la main pour acquérir de la connaissance et faire sauter les verrous, avec une application directe pour l’industrie pharmaceutique. La science fondamentale se met au service de la R&D. Cette collaboration impacte aussi le grand public, puisqu’elle favorise l’emploi local, la production sur le territoire, et la souveraineté industrielle”, Thomas Poisson, Coordinateur scientifique de la chaire et Professeur des universités en chimie organique à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Rouen.
Ces innovations sont déjà une réalité en Normandie puisque la région dispose d’une plateforme unique en France de synthèse d’actifs pharmaceutiques en flux continu, NormandyFlowChem. Le laboratoire académique dans lequel travaille le Pr Poisson, Cobra, peut ainsi livrer un pilote, soit “une capacité à monter en échelle intéressante pour les industriels”. Colibri sera accueillie dans les locaux de Cobra.
La formation est également un aspect essentiel de cette chaire industrielle, qui va financer des doctorants et post-doctorants et soutenir des ingénieurs chimistes généralistes de l’INSA Rouen Normandie, notamment par le biais de nouveaux cours (chimie verte, chimie douce, électrosynthèse, chimie en flux continu,…). Des représentants d’Oril dispenseront aussi des cours, pour partager avec les élèves les problématiques contemporaines auxquelles ils font face en tant qu’industriels.
Le budget de la chaire Colibri s’élève à 1,7 million d’euros. Il est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et ORIL Industrie.