Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) ou sténose aortique est la cardiopathie valvulaire la plus répandue en Europe, avec un taux de mortalité de plus de 50% à 1 an suivant un traitement conservateur invasif. Dans cette maladie dégénérative, la valve aortique (positionnée entre le ventricule gauche et l’aorte) se calcifie, devient rigide et ne peut plus s’ouvrir correctement, aboutissant à une insuffisance cardiaque ou à la mort subite. Ce problème touche entre 1,7 et 12,4% des sujets âgés de plus de 75 ans. Avec le vieillissement de la population, ces chiffres devraient encore s’alourdir.
Le standard de soin classique consiste aujourd’hui à remplacer la valve dysfonctionnelle soit par une chirurgie à thorax ouvert soit, dans 90 % des cas, par une procédure percutanée appelée TAVI (« Transcatheter Aortic Valve Implantation »). Mais ces deux interventions invasives sont lourdes ; 16% des patients classifiés en sténose sévère symptomatique ne peuvent y avoir recours. Trop âgés, trop fragiles, trop jeunes ou à un stade encore précoce de la maladie, ils sont inéligibles.
Pour eux, une équipe de recherche issue des laboratoires académiques français de l’Inserm et de l’APHP a donc testé une nouvelle approche appelée « thérapie non-invasive par ultrasons » (ou NIUT). La technologie a ensuite été développée par la société Cardiawave, spin-off d’une collaboration entre l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (HEGP – AP-HP) et des laboratoires communs à l’Inserm, à l’ESPCI Paris (École supérieure de physique et de chimie industrielles), à l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL) et au CNRS (Institut Physique pour la Médecine Paris et Institut Langevin).
« Avec notre dispositif innovant NIUT, nous souhaitons développer et valider pour la première fois une approche de réparation de la valve aortique complètement non-invasive, pour la rendre accessible à un plus grand nombre de patients, qui se retrouvent sans solution médicale aujourd’hui. Notre proposition vient compléter l’arsenal thérapeutique de la sténose aortique », Maurice Delplanque, Chief Operating Officer chez Cardiawave.
Valvosoft®, une thérapie de pointe robotisée et collaborative qui accompagne le geste du médecin
En général, une séance d’une heure suffit. Un applicateur équipé à la fois d’un transducteur ultrasonore pour la thérapie et d’une sonde d’échographie pour visualiser la zone traitée, se trouve à l’extrémité d’un bras robotisé permettant de délivrer la thérapie avec précision. Cet applicateur se place sur le thorax du patient au niveau de la valve cardiaque à traiter.
« Des pulses d’ultrasons vont se focaliser sur la zone à traiter et atteindre des pressions qui vont générer des bulles de cavitation », détaille Maurice Delplanque.
« Elles vont imploser très rapidement en émettant une onde et créer des microfissures sur les calcifications présentes dans les feuillets de la valve. Le tissu devient plus souple, la mobilité des feuillets est accrue et le passage du sang facilité ». « Le patient ressent alors une amélioration. Il peut ensuite rentrer chez lui », se réjouit Mathieu Pernot, Directeur de Recherche Inserm au sein du laboratoire Physique pour la Médecine, à l’origine de cette prouesse avec le Professeur Emmanuel Messas et le physicien Mickaël Tanter, Directeur de l’institut Physique pour la Médecine Paris.
Après des essais sur animaux, une étude First-In-Human de faisabilité et d’innocuité a été lancée en 2019 : « Valvosoft® FIM Study ». Les résultats ont été publiés dans The Lancet, le 13 novembre 2023.
40 patients inéligibles au remplacement valvulaire ont été recrutés en France (Hôpital Européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris), aux Pays-Bas (Hôpital Amphia, Breda) et en Serbie (Centre clinique universitaire de Serbie, Belgrade). Ces 40 patients sont suivis à 1, 3, 6, 12 et 24 mois. Une amélioration significative de la fonction cardiaque et de la qualité de vie a été observée, reflétée notamment par une augmentation de 10 % de la surface moyenne d’ouverture de la valve aortique. Il pourrait être envisageable, dans le futur, pour les médecins, de proposer une nouvelle séance aux patients en fonction de l’évolution de leur calcification aortique.
« Cela représente une véritable révolution pour les patients atteints de sténose aortique calcifiée. La seule solution aujourd’hui est le remplacement valvulaire, une intervention très lourde. Le dispositif NIUT développé par Cardiawave est une technologie non-invasive très prometteuse qui ne nécessite ni anesthésie ni rayonnement ionisant », Mathieu Pernot, directeur de recherche Inserm au sein du laboratoire Physique pour la médecine.
La phase suivante nécessaire pour l’obtention du marquage CE, autorisant la mise sur le marché, est une étude pivot confirmatoire (« Valvosoft® Pivotal Study »), qui a, quant à elle, débuté en juin 2022. 60 patients ont été inclus et traités dans 11 hôpitaux en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.
Valvosoft®, proposant le seul traitement non-invasif au monde de la sténose aortique, est actuellement exclusivement destiné aux investigations cliniques dans l’attente de l’obtention du marquage CE. Le dispositif médical pourrait être commercialisé prochainement.