“Le Prix Galien est devenu le prix le plus convoité par ceux qui consacrent leur vie au développement de médicaments et d’innovations utiles”, estime Bernard Poussot, Directeur de Roche Holding, et ancien Président-directeur général de Wyeth. Cette année 2022, six sociétés françaises figurent parmi les nominés de la catégorie “startup biotech”.
– Aqemia, quand la mécanique cantique permet de découvrir des médicaments
Fondée en 2019, Aqemia ambitionne de bouleverser l’industrie de la découverte de médicaments. Elle combine le machine learning et des algorithmes uniques inspirés de la mécanique quantique, pour prédire l’affinité entre les candidats médicaments et les cibles thérapeutiques. Ses deux cofondateurs affirment que leur solution va “10 000 fois plus vite que la concurrence”. Emmanuelle Martiano est ingénieure, diplômée de Supélec, anciennement au Boston Consulting Group, et Maximilien Levesque était directeur de recherche au laboratoire de physico-chimie théorique de l’Ecole normale supérieure. Dès 2019, la startup a noué une collaboration avec Sanofi, dans la recherche de traitements contre la Covid 19. En janvier 2022, elle a annoncé un nouvel accord de partenariat avec le groupe pharmaceutique Servier, dans le domaine de l’immuno-oncologie.
– BrenusPharma prévient la résistance au traitement du cancer
Lancée en 2014, la société basée à Lyon et à Clermont-Ferrand a conçu une plateforme allogénique unique et brevetée, Stimulated Tumor Cell (STC). Elle vise à générer une thérapie immunitaire first in class dans le but d’exploiter le système immunitaire du patient et de prévenir la résistance au traitement du cancer. Cette nouvelle génération d’immunothérapies cellulaires pourrait constituer une alternative aux CAR-T cells, plus efficace et moins chère. « Nous apportons une nouveauté majeure dans la personnalisation, car notre plateforme a pour vocation d’anticiper les mutations de la cellule cancéreuse, explique le Directeur général de Brenus, Eric Dessertenne. Nos cibles sont donc à la fois celles présentes à la surface de la cellule à l’instant T, mais aussi ses mutations qui pourront apparaître dans le futur. (…) Les CAR-T Cells ont un ciblage plus limité sur un récepteur d’une cellule cancéreuse, ainsi qu’un process de développement et de fabrication plus compliqué et coûteux. »
Son produit le plus abouti, le STC1010, cible le cancer colorectal métastatique, avec une AMM envisagée en 2027/2028. Il entrera en phase I/II début 2023 en France, puis en Belgique et aux Etats-Unis.
– CTIBIOTECH conçoit des peaux humaines en 3D
CTIBiotech est l’auteur d’une première mondiale, CTISkin™ : des peaux humaines immunisées produites par bioimpression 3D. Depuis 2009, l’entreprise lyonnaise s’est spécialisée dans l’assemblage de cellules humaines en 3D pour créer des modèles prédictifs utiles à la recherche médicale, pharmaceutique et cosmétique. Des tissus issus des chirurgies de patients atteints de cancers sont ainsi récupérés pour la recherche scientifique, avec leur consentement. Toutes les cellules composant ces peaux sont séparées et triées. A partir d’un échantillon d’1cm² contenant par exemple 1 million de chaque type cellulaire, sont obtenus des dizaines de milliards de cellules de peau, après une culture en laboratoire. CTIBiotech a ensuite recours à la bioimpression en 3D pour imprimer des peaux complètes, avec la possibilité de rajouter d’autres types de cellules, notamment immunitaires, sur le nouveau segment de peau produit. “Cette technologie d’impression 3D permet de démultiplier les tests d’approches thérapeutiques, par exemple pour les brûlés”, précise le Dr Nico Forraz. En novembre 2021, CTIBiotech a lancé (aux côtés de l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées, de l’École Polytechnique et de l’Institut Pasteur) le premier consortium au monde dédié à la technologie du plasma froid pour le traitement des grands brûlés et la cicatrisation des greffes cutanées, grâce aux peaux en 3D de la jeune biotech.
En septembre 2022, elle a également annoncé un partenariat avec Gatttefossé, pour évaluer, en utilisant la bio-impédance et à l’aide d’outils connectés, les changements dans l’environnement local d’un modèle de peau 3D intégrant des sébocytes.
– Diaccurate lève le voile sur le mécanisme d’action complexe du VIH
Diaccurate développe des candidats médicaments « sole-in-class » en oncologie et en immunothérapie. Basée à Paris et lancée en 2012, la société a été fondée par Truffle Capital avec le professeur Jacques Thèze. Elle explore de nouvelles approches thérapeutiques audacieuses pour traiter des maladies incurables (cancers du pancréas, cancers de l’estomac, tumeurs du sein triple négatif, cancers du sang agressifs, métastases cérébrales, VIH,…). La biotech développe trois candidats-médicaments exclusifs aux mécanismes d’action inédits, dont la première chimiothérapie ciblée (DIAC2010) et la première immunothérapie CD4 (DIAC1010). Son conseil scientifique est présidé par le Pr Tasuku Honjo, lauréat du prix Nobel de médecine 2018.
En mars 2020, la biotech parisienne a publié dans le Journal of Clinical Investigations les résultats d’une étude menée pendant six ans qui révèle la raison pour laquelle le système immunitaire d’un patient atteint par le VIH décline. Elle a fincé seule l’étude (7 à 8 millions d’euros) mais a bénéficié du soutien de prestigieux partenaires : l’Institut Pasteur (qui lui a cédé une licence exclusive et mondiale sur son brevet originel), le CNRS, l’Inserm, les universités de Madrid et de Séville, et le Scripps Research Institute. « Un petit fragment du virus se met à la surface des lymphocytes CD4 qui deviennent vulnérables à une enzyme digestive (PLA2G1B), puis meurent et disparaissent », explique le professeur Jacques Thèze, cofondateur et directeur général de Diaccurate. La société développe un anticorps monoclonal, Plazumab, qui pourrait neutraliser l’enzyme en action. Pour l’instant, c’est l’indication en oncologie qui est privilégiée. Une étude appliquée au cancer du pancréas devrait débuter d’ici 18 mois.
– Genoscience et ses petites molécules uniques en oncologie
Il s’agit de la toute première société en phase clinique avec des agents lysosomotropes uniques évalués dans un essai clinique mondial. La société a été fondée en 2001 par le Pr Philippe Halfon, un expert médical de renommée mondiale sur les maladies virales, en particulier sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le virus de l’hépatite C (VHC).
La société s’est d’abord concentrée sur le développement d’agents anti-HCV. Deux inhibiteurs de protéase ont ainsi été développés et licenciés à BioLineRX.
Une nouvelle orientation scientifique a été prise en 2012 après la découverte d’une nouvelle famille chimique : les inhibiteurs d’autophagie. Suite aux résultats préliminaires prometteurs in vitro et in vivo de ces petites molécules, notamment contre les cellules souches cancéreuses, Genoscience Pharma a décidé de se consacrer à l’oncologie.
Fin 2021, Genfit a acquis des droits exclusifs de développement et de commercialisation du traitement expérimental GNS561 (inhibiteur de PPT1 bloquant l’autophagie de stade clinique) dans le cholangiocarcinome aux États-Unis, au Canada et en Europe, y compris au Royaume-Uni et en Suisse. Des études pré-cliniques et un essai clinique de Phase 1b ont confirmé le rationnel pour viser le traitement du cholangiocarcinome, un cancer rare du foie avec une mortalité élevée et des options de traitements limitées.
– Smart Immune combat le cancer et les infections en renforçant le système immunitaire
Créée en 2017 à l’Institut Imagine de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), à Paris, Smart Immune est une société de biotechnologie en phase clinique qui développe ProTcell, une plateforme de thérapie par cellules T alimentée par le thymus pour réarmer entièrement et rapidement le système immunitaire. La startup adresse particulièrement la phase de post-greffe dans le cas des maladies affectant les cellules sanguines, déficits immunitaires congénitaux ou leucémies par exemple.
Seuls 25 000 patients sur les 200 000 qui auraient besoin d’une greffe de moelle osseuse allogénique chaque année en Europe et aux Etats-Unis, ont accès à la procédure. En imitant la différenciation cellulaire ex vivo, pour la première fois en médecine humaine, Smart Immune introduira des progéniteurs de cellules T allogéniques chez le patient, qui se développeront ensuite en un répertoire immunitaire complet.
En octobre 2022, Smart Immune et les Hôpitaux Universitaires du Grand Paris (AP-HP) ont débuté un essai de phase I/II avec SMART102, une injection de cellules progénitrices T-lymphoïdes humaines dérivées du sang de cordon ombilical à l’aide de la plateforme ProTcell, chez des adultes atteints de cancers du sang.
En décembre 2021, la startup a également annoncé une collaboration de recherche avec le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSK), à New-York. L’objectif de cette collaboration est d’étendre son pipeline ProTcell avec la plateforme CAR-ProTcell de nouvelle génération.